un corps d’eau (a body of water), 2022-

mixed media on paper
42 x 59,4 cm each


L’œil se noie

Une peinture à l’eau de mer : l’eau répand, dilue, dissout. Les formes s’affaiblissent jusqu’à se dissiper. Les frontières, les limites se voilent et s’effacent. À dire vrai, la matière elle-même fond, s’évapore ou expire. Que cherche l’artiste ? Une désorientation spatiale et corporelle. Un espace interne et externe à l’intérieur duquel on ne peut se localiser ni se positionner. Une espèce de flottement dans lequel le territoire est illimité ; le corps léger, sans gravité ; le langage indéfinissable, aussi éloigné du monolinguisme que de la polyglossie. On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve : pour ne rien pétrifier ni figer quoi que ce soit, Raymond Gemayel procède, chaque fois, à une remise à zéro. Il prépare, à l’acrylique, un nouveau bain qui fait renaître, autrement, l’angle du langage, du corps, de l’espace. Le milieu de la métamorphose est liquide. Des sillages, des vagues, des mouvements, des mirages, des images se créent, indéfiniment. Raymond Gemayel réalise ici un travail empreint de poésie. Il ne faut y chercher ni l’essai ni le roman, mais la méditation et la perte des repères.

Seloua Luste Boulbina, Philosophe

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The eye drowns

A seawater painting: the water spreads, dilutes, dissolves. The shapes weaken until they dissipate. Borders, limits are veiled and erased. In fact, matter itself melts, evaporates or expires. What is the artist looking for? Spatial and bodily disorientation. An internal and external space within which one cannot locate or position oneself. A kind of floating in which the territory is unlimited; the body is light, without gravity; the indefinable language, as far from monolingualism as from polyglossia. You don’t swim in the same river twice: so as not to petrify or freeze anything, Raymond Gemayel carries out a reset each time. He prepares, with acrylic, a new bath which brings back to life, in a different way, the angle of language, of the body, of space. The medium of metamorphosis is liquid.Wakes, waves, movements, mirages, images are created, indefinitely. Raymond Gemayel creates work here imbued with poetry. We should not look for an essay or a novel, but for meditation and the loss of bearings.


Seloua Luste Boulbina, Philosopher